Vers une protection sociale universelle
Martine Hosselet-Herbignat
Une grande partie de l’humanité ne bénéficie pas de protection sociale, en particulier dans les pays les plus pauvres et les moins structurés. En atteste l’histoire tragique de Sofia et de sa soeur Peresia en Tanzanie, qui s’épuisent dans un combat inégal pour la dignité et la justice, face à une institution hospitalière régie par une autre logique.
Le Mouvement international ATD Quart Monde a une très longue expérience dans ce domaine. En Haïti, depuis 1980 il a engagé une rencontre des populations et des acteurs locaux afin d’élaborer ensemble les axes prioritaires pour établir des sécurités fondamentales et définir comment eux-mêmes peuvent y contribuer.
Le programme d’« assurance santé » fut mis en oeuvre à partir de 1997, et développé au sein d’un projet plus vaste d’accès aux actes de naissance, à l’éducation scolaire et de sensibilisation des jeunes filles. C’est appuyé sur cette histoire partagée, qu’a été créé par étapes à partir de 2010 le projet pilote Savoir Santé Participation, dont nous rendons largement compte dans ce dossier.
Il a été récemment présenté et étudié au cours d’un Séminaire d’action avec des praticiens de quatre continents, suivi d’un Séminaire universitaire dans le domaine du droit. Les éléments essentiels constitutifs d’une protection sociale avec toutes et tous et pour tout le monde ont été mis en évidence par Régis De Muylder. Le portrait évoqué par Roseline De Muylder-Bernard souligne combien la proximité avec les familles les plus pauvres constitue un élément clé de la réussite du projet Savoir Santé Participation.
Il témoigne de la connaissance très fine et engagée de l’équipe d’ATD Quart Monde à Port-au-Prince, qui facilite la participation des familles les premières concernées dans une dynamique collective conduisant à la création d’un véritable droit en action. Située au coeur du système de soins haïtien affaibli par la situation toujours plus précaire du pays, l’action Savoir Santé Participation le renforce et le dynamise, en s’appuyant sur des structures et engagements locaux.
Cette action menée en Haïti remet en cause profondément l’approche traditionnelle de l’aide au développement international qui manque souvent la cible des plus pauvres et n’envisage pas leur participation. Elle interroge également les fondements et perspectives du droit à la protection sociale. Elle ouvre enfin de larges possibilités de reproductibilité, non pas en termes de simple reproduction d’un dispositif mais dans la perspective de création des conditions d’un processus. Puisse ce dossier renforcer toutes les actions entreprises en ce sens.