Cette Université Populaire Quart Monde a eu lieu le 8 décembre en présence de Madame Christine Lejeune de la Ligue Luxembourgeoise d’Hygiène Mentale et avec le soutien de Madame Muriel Nossem, Conteuse d’histoires, qui a enrichi les témoignages et discussions avec 2 histoires passionnantes pour illustrer les réflexions.
Nous avions déjà réfléchi en amont en petits groupes lors de 3 réunions de préparation.
Dans un premier temps, nous avons parlé de ce qui influence notre santé mentale. Pourquoi ne nous sentons-nous pas bien dans notre mental/moral, sans souffrir d’une maladie mentale pour autant ?
Le deuil, la solitude, le combat quotidien pour lutter contre la pauvreté et pour faire valoir ses droits, le harcèlement, les sentiments de culpabilité et l’insomnie ont été cités, mais aussi les saisons, le climat :
« En tant que mère je fais mon deuil autrement. Chez moi cela ne partira de toute façon jamais. Il y a toujours quelqu’un qui manquera. Cela ne disparaîtra jamais. Ça s’atténue. La vie est belle malgré tout. La vie doit continuer, même si mon fils me manque. »
« Après le décès de mon mari, j’ai vécu 8 jours sans savoir comment j’ai vécu. Je n’ai fonctionné que pour mes enfants. Une semaine après, je me suis effondrée. Je ne sais toujours pas ce qu’il y a eu durant cette semaine. »
« Säitdeems ech an der Spillschoul sinn, ginn ech gemobbt. Well ech net an dat Bild passen dat anerer gären vu mer wëlle gesinn. »
« Wann ee Frënn huet, deenen et schlecht geet. Dann ass ee machtlos. Dat zitt ee mat erof. »
« Personne ne me parle. Je suis toujours seul. Je dois veiller sur moi. »
« Dans notre culture, il faut être beau, parfait, en bonne santé. Lorsqu’on est malade, on n’est plus intéressant. »
« L’altruisme a disparu. Il n’y a plus assez de contacts informels et spontanés. Les gens n’osent plus se rendre visite, ils communiquent par téléphone. »
« La recherche d’un chez-soi rend malade. Il n’y a pas de sécurité. »
«Le combat perpétuel pour avoir assez à manger. Le fait de devoir se rendre dans une épicerie sociale. Au début cela dépanne, on est content, mais les fruits ne sont pas frais. Ce n’est pas beau de penser qu’on ne reçoit que les restes. »
«Avoir raison, mais ne pas pouvoir faire reconnaître qu’on est dans son droit rend malade. Tu dois te battre. Tu ne trouves jamais de répit. »
« Ech hunn den Hierscht an de Wanter net gären, well et éischter däischter ass. Bei Reen giff een am léifsten am Bett leien.»
« Et ass wi wann d’Natur och depressiv wier well d’Mënschen se futti maachen. D’Natur huet och ee Liewen. Et ass en Hëllefsruff. »
« Cela fait un bon bout de temps que je n’ai pas dormi. Lorsque je suis en colère, que je suis victime d’injustices à mon égard, je ne dors plus. Je n’arrive pas à me débarasser de cette colère. Je prends des somnifères depuis quelques jours et je dors un peu mieux. »
« On m’a toujours culpabilisée, lorsque j’étais petite. C’était toujours de ma faute. Cela continue aujourd’hui. Je ne culpabilise pas les autres, je me culpabilise. »
Dans un deuxième temps, nous nous sommes demandés ce qui pouvait nous aider à nous sentir mieux.
- Se rendre chez un psychologue ou psychiatre peut comporter des obstacles : listes d’attentes, attitudes de certains professionnels, peur ou manque d’explication adéquate des effets positifs et secondaires de la médication, ….
« Les psychologues me demandent toujours de parler de mon passé et prennent des notes. Mais je n’ai pas envie de tout leur raconter. Ils réouvrent et remuent la plaie. Je ne veux plus cela. Je veux aller de l’avant et laisser le passé derrière moi. »
« Les médecins ne nous écoutent pas vraiment. Le plus rapide est le mieux. »
« Aujourd’hui j’ai du mal à faire confiance. En ce qui concerne les psychologues, je préfère m’adresser à des personnes que je connais depuis longtemps et auxquelles je peux parler. »
« J’ai demandé de l’aide. Je me rends en clinique de jour, la régularité me fait du bien. En parler fait du bien. »
« Avec les médicaments, je me suis retrouvée à quatre pattes. On ne peut plus se défendre. Personne ne peut se l’imaginer. Ils vous donnent des médicaments, mais pas d’encouragement. »
« Avec les pillules tout t’est égal. Lorsque la situation était passée, je suis retournée dans la vie normale. »
« Les gens hospitalisés dans des unités fermées ne devraient pouvoir sortir que s’ils acceptent un suivi. Il existe des suivis à domicile. Mais si les patients refusent? Alors tout recommence depuis le début après leur sortie. »
- Mais nous avons surtout évoqué les ressources et les forces que chacun peut puiser en soi. Une famille soudée, mais aussi de bons amis sur lesquels on peut compter ; de bons liens avec le voisinage sont une richesse, un soutien, une écoute. Il a été question du besoin de chaleur humaine, d’un refuge, de sécurité, de la difficulté à faire confiance, du temps qu’il faut se laisser.
« Frëndschaft muss een opbauen. Mir setzen eis zesummen. Wa mir d’Flemm hunn, ruffe mer deenen aneren un an treffen ons. Mir gi spadséieren, oder mir maachen soss Eppes. Ech hu vill Freed an eng schéin Zäit. Mir 3 verstinn ons gutt a mir brauchen dat. Meng Frëndin huet Geméiszopp fir mech gemaach wou ech krank war. Frëndschaft ass Oflenken, Zäit hunn, Kichelcher baaken. »
« Lorsqu’on est malade, il ne faut pas abandonner, se laisser aller. »
« L’être humain a besoin de temps pour se construire petit à petit. »
« Il faut lâcher prise et laisser le passé derrière soi, ne pas ruminer. »
« Ech sti moies fréi op. Wa mäi Jong opsteet, ass da schonn d’Luucht un. Ech ginn him e gutt Gefill. Ech begleeden hien. Ech maachen dat gären. Da geet et mir och gutt. Ech si frou, wann hie frou ass. Ech ginn him wat ech net hat. Ech ginn him Gebuergenheet. Och mengem Meedche ginn ech Gebuergenheet. Mir hale gutt fest zesummen! Eng Famill! »
- Une occupation manuelle, artistique, la musique, un animal de compagnie renforcent également notre santé mentale.
« J’ai besoin de m’occuper, par exemple dessiner, bricoler. J’aime chanter. La musique est importante. La musique c’est ma thérapie. Lorsque je suis seule, je me cache derrière mon GSM, cela me rassure, me change les idées. J’aime bien regarder des films ou des séries le soir. »
« Je joue de la guitare, j’ai toujours mes écouteurs. Je vis seul. »
« Je pensais que je ne savais rien faire. J’ai droit à l’éducation, droit à l’art. Avec le projet collectif d’ATD je me sens utile. Je me suis sous-estimée, et j’ai été sous-estimée. »
« Mon chien me donne de la force. Lorsque j’ai des soucis, je lui parle. Je sors beaucoup, je rencontre des gens, c’est bien. Cela me donne de la force. Sans mon chien je ne me serais pas levée ce matin. »