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« J’EXISTE », le spectacle montré au public lors d’une avant-première à une soixantaine de spectateurs et le 16 novembre dans une salle « sold out » à cent spectateurs est le fruit d’un long travail collectif depuis fin 2020. Le rêve de départ de créer ensemble et grâce à l'appui d’artistes professionnels, un « événement culturel public », dans lequel les capacités et talents des uns et des autres formeraient un tout, s’est réalisé.
LE PROCESSUS
Plusieurs étapes, différents partenaires et en tant que dernière étape une collaboration intense avec les professionnels du collectif d’artistes MASKéNADA asbl : des intervenants de formations différentes qui dès le départ se sont ouverts – non seulement avec professionnalisme, mais aussi avec sensibilité et respect - au monde des personnes vivant à l’ombre. Ensemble, ils ont fait un long chemin, celui-ci étant autant, si non plus, précieux que le résultat final, comme l’a exprimé une des participantes au projet :
« … Pour ceux qui y ont participé, toute l’étape précédente était aussi importante. Je l’explique comme ça. À ATD, nous avons cuit un gâteau. Et il a réussi, c’était un très bon gâteau. Samedi, nous avons mis une cerise sur le gâteau, et cette cerise était d’une très bonne qualité. Même si cette cerise avait été un peu aigre, ça n’aurait pas été grave. Pour moi, samedi le gâteau avait déjà été cuit avant la présence sur scène. Tout le processus pour moi était parfait… .»
Le résultat du processus : un spectacle fort en messages et en émotions autour du vécu et la pensée de ceux qui ne sont jamais, ou rarement, écoutés et entendus.
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photo de Bohumil Kostohryz
LE SPECTACLE
Quarante rencontres entre professionnels de MASKéNADA asbl et membres du Mouvement, soutenus par sa médiatrice culturelle, avaient eu lieu. Ainsi, en novembre, trois acteurs professionnels, dix-sept militants Quart Monde et des personnes solidaires du Mouvement, ainsi que des membres de la chorale « Home Sweet Home » sont prêts à monter sur scène avec un spectacle, qui n’avait pas de script au départ : une mise en scène expressive sur l’histoire collective des personnes en situation précaire avec des émotions, du désespoir, l’expérience de ne pas être écoutée et entendue, mais aussi les forces, les rêves, les espoirs et le courage de se battre et de se relever.
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photo de Bohumil Kostohryz
« J’EXISTE, JE SUIS LÀ, J’AI QUELQUE CHOSE À DIRE ! »
Avec des mots qui touchent, avec des mouvements qui attirent le regard, avec des voix et des textes qui interpellent…, le spectacle permet « un autre regard sur la pauvreté » auquel la société est moins habituée et en permet une approche émotionnelle. Il ouvre l’espace pour la rencontre, la compréhension et un changement de regard.
« Dans cette pièce puissante, nous avons réuni les expériences et les perspectives de ceux dont les voix restent souvent inaudibles. Ensemble, nous avons jeté un pont entre l'art et la réalité et célébré le droit à la dignité, à la reconnaissance et à une vie autodéterminée. » MASKéNADA asbl
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photo de Bohumil Kostohryz
Différentes scènes rythment le spectacle, dans lequel les acteurs expérimentent nombreux éléments du monde du théâtre découverts lors des ateliers pendant les mois passés (pulk, freeze, mouvements comme la méduse, le break, le carré…) ; le tout en lien avec des textes créés à partir du vécu, des accompagnements musicaux inspirés des apports des participants et des éléments de la scène créés par eux.
NE PAS AVOIR DE VOIX
PRENDRE LA VOIX
Les voix de la pauvreté
Stëmme vun der Aarmut
Aarmut: Eng Zuel, eng Statistik, ee Code.
Een Zoustand, ee Stigma, ee Wuert.
Een éiwegt dogéinthalen
Een Urteel am Iwwerhuelschratt, een Urteel wat schonn do ass, ier ech iwwerhaapt mol weess wouhin.
RESPIRER
AVOIR DE LA VOIX - REVENDICATIONS
DONNER LA VOIX
Se sentir pauvre ça veut dire ne pas avoir le regard des autres sur soi.
Ne pas être éduqué. Ne pas savoir lire, écrire, ne pas être écouté par les autres. C’est ça se sentir un peu pauvre.
Se sentir pauvre, c’est de ne pas avoir un toit sur sa tête.
Se sentir pauvre, c’est de ne pas avoir de quoi manger, de quoi se nourrir.
Se sentir pauvre, c’est de la maltraitance.
Être maltraité par les autres. …
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photo de Bohumil Kostohryz
ET APRÈS LE SPECTACLE…
Après une telle expérience forte, à chacun sa réaction, ses constats et ses émotions : trouille, fierté, développement personnel, unité n’en sont que quelquesuns
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photo de Bohumil Kostohryz
« J’ai aimé ce que nous avons fait là, je pourrais le refaire encore… c’est mon opinion... je me sens capable ! »
« Parce que tu as une voix timide, en faisant le geste avec ta canne, tu t’es transformé en une personne forte. Le geste a fait que tu puisses t’imposer et montrer la personne forte qui est en toi. La canne ne doit plus te quitter. La canne t’a renforcé sur scène, mais aussi intérieurement. »
« Depuis jeudi que ça travaillait en moi, seulement samedi j’ai pu lâcher prise. Mes pensées allaient toujours dans la direction : j’espère que nous allons réussir, j’espère que ceci ou cela… que rien ne foirait. Après j’ai été rassurée, libérée et fatiguée. … Une fois sur scène j’étais tranquille. Les spectateurs avaient tous disparu, ils étaient tous cachés. C’était super, et vraiment toi toi toi … . Je suis triste que c’est fini, une fois sur scène on oublie tout. »
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photo de Bohumil Kostohryz
« Faut savoir aussi que nous étions côte à côte avec des acteurs très connus de la scène et nous étions avec eux. C’est un moment inoubliable. »
« J’ai senti qu’on existe, tout le groupe vraiment ensemble, j’ai senti l’unité, s’unir très, très fort, bon , après le trac est venu bien sûr, mais après il est passé le trac. Comme si j’existais, la pièce existait aussi, tout simplement. J’ai senti une unité très forte. C’est-à-dire, toi-même tu as prononcé le mot, tu l’as dit, on doit se donner, le plus… un peu du plus profond de nous aujourd’hui. On fait ce qu’on peut, chacun, mais l’ ensemble de nous fait ce qu’il peut, et on y arrivera, voilà. »
ET POUR FINIR
Grand merci à tous les partenaires des dernières années, et plus particulièrement aux professionnels du collectif d’artistes MASKéNADA asbl, les membres de la Chorale « Home Sweet Home », l’Oeuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte, le Ministère de la Famille, des Solidarités, du Vivre ensemble et de l’Accueil et le Ministère de la Culture ainsi qu’à toutes les personnes, qui de près ou de loin, ont participé à la réussite de ce projet.